Numérisation et démocratisation du télétravail

Par Jean Pouly

La crise sanitaire du Covid 19 a permis une démocratisation de la pratique du télétravail en France et dans le monde. D’une pratique marginale et réservée aux cadres supérieurs, aux commerciaux et consultants, le télétravail est devenu un fait de société. Cette démocratisation forcée pose de nouvelles questions sur l’organisation du travail et nécessite la création de nouveaux cadres.

ddémocratisation télétravail

Le cadre fondateur du travail moderne issus des révolutions industrielles repose sur le bureau fixe, l’organisation hiérarchique et le triptyque tayloriste : commande, exécution, contrôle.

La stabilité de ces valeurs fondatrices explosent aujourd’hui avec la démocratisation et la numérisation du travail, ainsi qu’avec la massification du travail à distance, pratiqué à domicile ou dans d’autres lieux. Mais cette atomisation des lieux de travail et la fin du management présentiel exclusif requièrent l’émergence de nouveaux cadres.

En effet, la numérisation du travail, même si elle porte des valeurs intrinsèques n’est pas en soi une organisation du travail. Et vouloir dupliquer l’ancien système dans le nouveau n’est pas forcément une bonne idée.  C’est pourtant ce qui arrive le plus souvent. La prégnance du modèle ancien est si forte dans les esprits que l’on a tendance à le transposer dans le nouveau.

C’est ce qu’on expérimenté les managers pendant le confinement en essayant de reproduire à distance ce qu’ils font d’habitude en présentiel. Inondés de mails, de visio-conférences et de tableaux de reporting, les salariés en télétravail n’arrivaient plus à travailler ! Les managers ont dû repenser leur façon de piloter leurs équipes en oubliant leurs habitudes liées au présentiel.

Les managers ont dû repenser leur façon de piloter leurs équipes en oubliant leurs habitudes liées au présentiel.

Jean Pouly

Inventer de nouveaux cadres adaptés aux nouvelles pratiques

Il faut désormais inventer de nouveaux cadres organisationnels qui prennent en compte les spécificités de la numérisation et de la démocratisation du travail, et du travail à distance qu’il permet et généralise.

Du bureau aux environnements de travail

Au niveau du lieu de travail, il est impératif de passer du singulier au pluriel. On passe du bureau fixe et unique à une pluralité d’environnements de travail : au siège de l’entreprise, chez un client, à domicile, dans un transport ou dans un tiers-lieu. Ce changement requiert une adaptation des lieux en termes d’équipements et d’utilisation. Le passage en flex-office nécessite par exemple une gestion dynamique des espaces de travail qui requirent l’utilisation d’outils de réservation et de visualisation des places de travail ou salles de réunion.

On passe du bureau fixe et unique à une pluralité d’environnements de travail : au siège de l’entreprise, chez un client, à domicile, dans un transport ou dans un tiers-lieu.

Jean Pouly

Appliquer le droit à la déconnexion

Au niveau du temps de travail, il est prouvé que le télétravail a tendance a augmenter le temps et les plages horaires de travail. Il est donc indispensable de faire appliquer le droit à la déconnexion en veillant à la fois à une bonne information sur ce droit, à une acculturation des salariés et à la mise en place de bonnes pratiques voire d’outils de mesures et de régulation.

Passer du mangement visuel au management réel

Au niveau managérial, une petite révolution est en cours. En France, il existe un a priori de défiance au sujet des télétravailleurs qui travailleraient moins à domicile. Ce que toutes les études contredisent mais qui révèle une culture du travail au bureau et du management basé sur la présence au bureau. On a du mal à sortir des clichés de ceux qui restent tard le soir pour montrer leur engagement et du management visuel qui repose sur de nombreux a priori subjectifs : « Mon salarié est là, donc il travaille ».

Le management à distance et hybride présentiel/distanciel est possible. Il requiert un a priori de confiance, de nouvelles postures managériales, de nouvelles pratiques, de nouveaux outils. Météo du matin sur une messagerie instantanée, points téléphoniques réguliers avec les uns et les autres, reporting précis sur les projets, temps en présentiel de qualité, changement des formats de réunions.

Le management à distance et hybride présentiel/distanciel est possible. Il requiert un a priori de confiance, de nouvelles postures managériales, de nouvelles pratiques, de nouveaux outils.

Jean Pouly

Sécuriser le travail nomade

La pratique massive du travail à distance nécessite également des évolutions de pratiques dans le domaine de la sécurité et de la confidentialité. La multiplicité des lieux de travail et de connexion rend les salariés plus vulnérables aux cyberattaques. Que ce soit depuis leur domicile ou dans d’autres lieux de travail, plusieurs sources d’intrusions sont facilitées : par le biais de la connexion non sécurisées, par le téléchargement de logiciels ou encore par un manque d’attention dans les transports ou des lieux de travail partagé. Enfin, la question des sauvegardes des données est essentielle et doit s’adapter aux différents environnements de travail.

Adapter les attitudes, postures et comportements

Passer du bureau fixe à temps complet au travail à distance régulier nécessite aussi des changements d’attitudes, de comportements des télétravailleurs. Télétravailler s’apprend. Cela constitue un ensemble de compétences, de savoir être et de savoir-faire. D’ailleurs, le travail à distance régulier n’est souvent pas proposé aux jeunes recrues qui n’ont pas encore la culture d’entreprise et les bons réflexes pour travailler à distance.

Savoir télétravailler passe par une bonne maitrise des outils numériques (visio-conférence, logiciels de gestion de projet en ligne, drive, documents collaboratifs, etc.), une gestion de son temps, de ses postures ergonomiques, de ses temps de pause, de l’articulation de sa vie professionnelle et personnelle, de sa concentration, de son rapport à distance au collectif, de la gestion de l’isolement, de son stress, etc. A distance le vécu est différent et les télétravailleurs doivent apprendre à vivre cette nouvelle configuration.

Que ce soit le management, les bureaux, la sécurité ou les compétences clés du télétravail, un vaste chantier existe dans les organisations pour repenser les façons de travailler et leur redonner des cadres. Non pas pour brider le travail à distance, le surveiller et le surcharger de reporting mais pour s’assurer que la numérisation et la pratique du travail à distance retrouve un cadre sécurisant et garant d’une plus grande efficacité et d’une meilleure qualité de vie au travail.

Notre expert

Jean Pouly

Expert en télétravail, fondateur du cabinet Econum

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