Les coulisses de la commission de labellisation WIWO

Associée dès l’origine à l’élaboration du référentiel de labellisation télétravail créé en 2020 par Incitu, Laleh JONCHERAY, auditrice internationale IRCA, a rejoint la commission de labellisation WIWO Work In Work Out. En collaboration avec ses pairs, Laleh associe rigueur et nuance pour émettre les avis les plus justes possibles afin de garantir le bon déploiement du télétravail dans les entreprises

INTERVIEW

Une entreprise souhaite valoriser ses pratiques de télétravail. Comment se déroule le processus de labellisation ?

Le processus est classique et suit la même logique que tout processus de labellisation. D’abord, il s’agit d’une démarche volontaire de la part de l’entreprise qui n’est aucunement liée à une obligation réglementaire.

La première étape consiste à effectuer un dépôt de candidature après avoir mis en place le dispositif de télétravail qui doit déjà disposer d’une certaine maturité pour être éligible à la labellisation.

C’est là que débute le travail de la commission de labellisation : elle analyse le dossier de candidature pour vérifier l’existence de l’ensemble des prérequis relevant du référentiel, puis un ou plusieurs auditeurs viennent sur site et examinent la mise en place des dispositions de télétravail. L’équipe d’audit établit alors un rapport qui sera envoyé à la commission, celle-ci regardera l’avis du responsable d’audit ainsi que les preuves présentées. A l’issue d’une réunion d’échanges, la commission peut confirmer les préconisations du responsable d’audit sur le terrain ou lui demander des explications si certains éléments l’interpellent. Si c’est convaincant, l’avis est positif. Dans le cas contraire, la commission arbitre pour émettre les conclusions les plus justes possibles : soit en étendant ou en réduisant le périmètre de labellisation, soit en proposant un changement de niveau.

Est-il possible qu’un dossier soit rejeté ?

Il faut savoir qu’un dossier n’est jamais rejeté dans l’absolu. Il peut être mis en suspens s’il comporte trop de défauts ou si les dispositions présentées ne sont pas convaincantes, même si le cas de figure ne s’est pour le moment jamais présenté. Quand il existe un écart majeur, nous établissons une fiche de non-conformité. L’entreprise va alors corriger l’écart ou les écarts dans un certain délai en vertu duquel des preuves de mise en œuvre d’actions correctives doivent être fournies.

Il s’agit donc d’un processus conduit sur le long-terme ?

Oui exactement. Le processus de labellisation s’inscrit sur un temps long, c’est une démarche d’amélioration continue. Ainsi, une remarque énoncée à propos d’un écart (majeur ou mineur) n’a pas vocation de sanctionner l’entreprise mais de l’inciter à redoubler d’efforts sur les points qu’elle doit améliorer.

Par ailleurs, la mise en œuvre d’un dispositif exige d’y consacrer du temps. Le passage en audit requiert la possibilité de constater sur le terrain un fonctionnement avéré avec une mise en œuvre concrète des dispositions (pas seulement des procédures ou des documents théoriques).

Quelle est la place de la commission de labellisation dans ce processus ?

La commission vient clôturer le processus de labellisation. Tierce partie indépendante de l’entreprise auditée et des auditeurs, elle statue sur l’octroi ou le refus de la labellisation.

Les auditeurs ne peuvent pas faire partie de la commission ?

Non, en effet. Ils ne peuvent appartenir à la commission. Celle-ci peut faire appel à l’auditeur pour étayer les résultats de son audit, mais ils ne donnent pas d’avis.

Quelles sont les étapes préparatoires à la commission de labellisation ?

En premier lieu, nous, au nombre de 8 membres maximum, analysons le rapport d’audit présenté par le responsable d’audit. Ensuite, nous demandons des clarifications si nécessaire et préparons l’argumentaire en vue de la commission en prévision des réponses à apporter aux divergences de points de vue fréquentes entre les autres membres. Puis vient la discussion, suite à laquelle il faut trancher, tâche qui incombe au président.

De quel ordre peuvent être les divergences en commission ?

Cela se joue souvent sur l’expérience. Parfois, les plus jeunes auditeurs ont un regard axé sur le contrôle qui peut manquer de nuance. Or, pour aider une entreprise à s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue, il faut pouvoir mesurer les progrès et donc éviter les avis trop stricts. Un auditeur n’est pas un contrôleur mais un point d’appui sur l’amélioration continue qui va être impulsée dans l’entreprise. Ainsi, la labellisation n’est pas un diplôme délivré à l’issue d’un examen, mais une démarche managériale et organisationnelle dans laquelle est examinée la maturité de l’entreprise. D’où l’existence de différents niveaux du label.

” Un auditeur n’est pas un contrôleur mais un point d’appui sur l’amélioration continue qui va être impulsée dans l’entreprise “.

Les membres de la commission sont-ils généralistes ou experts ?

Nous avons un rôle généraliste sur l’ensemble du référentiel Même s’il y a des spécialistes de différents domaines d’expertise (RH, juridique, audit, psychologue, etc.), la démarche n’est pas morcelée. C’est justement cette diversité de profils qui permet de se compléter et d’émettre un avis plus juste. Par exemple, un juriste peut avoir des avis tranchés, alors que moi qui suis plus dans le management, je regarde plus le global.

Quel est votre rôle comme membre de la commission et quelle position tenir durant cette séance ?

Je m’efforce de faire preuve de rigueur, en observant si les exigences du référentiel sont bien appliquées et en vérifiant l’existence des prérequis règlementaires, mais aussi de nuance, en gardant à l’esprit qu’un processus d’amélioration continue demande de mesurer les progrès dans le temps.

Peut-on dire qu’il existe une part subjective ou non quantifiable dans votre fonction ?

Il existe toujours une part subjective dans la mesure où auditer c’est écouter les personnes. Notre technique d’échantillonnage n’a pas la scientificité des statistiques et il existe forcément une part aléatoire dans un sens comme dans l’autre. Ainsi, en l’absence de contrôle exhaustif des mises en pratique par rapport aux exigences, l’évaluation de l’implication des parties-prenantes est subjective. Elle relève d’un ressenti global basé sur l’échange. Finalement, ce sont les preuves qui objectivent ce qu’on observe et la concordance des propos qui garantissent l’objectivité.

Pourquoi avoir choisi de vous inscrire dans la démarche ?

Pour tout dire, le premier confinement a joué un rôle dans ma décision. Le sujet du télétravail était de plus en plus abordé par les entreprises mais en tâtonnant et beaucoup essayaient de le repousser avant qu’il ne devienne un sujet obligatoire. En tant que consultante des organisations, j’ai vu ceux qui l’avaient repoussé être contraints d’organiser un télétravail d’urgence pour assurer la continuité d’activité. C’est ce qui m’a motivée à réfléchir au sujet et à m’impliquer. Instaurer le télétravail est un véritable acte managérial qui doit se faire dans de bonnes conditions techniques et psychologiques (éviter l’isolement qui peut être réel) pour garantir la qualité de vie au travail.

Cela vaut-il également en dehors du contexte de crise sanitaire ?

Oui et c’est une conviction personnelle. Si le télétravail ne se poursuit pas sur un mode identique, il prendra dorénavant une place plus importante dans les dispositifs d’entreprises. Je veux maintenir une vigilance sur les motivations à déployer le télétravail, en veillant à ce qu’il ne serve pas des fins économiques et qu’il soit équilibré (avec une présence sur site) pour garantir de bonnes conditions psychologiques. C’est à nous auditeurs (gardiens de la bonne santé et sécurité des travailleurs), de décrypter les situations de détresse et de les signaler en commission d’audit. C’est de notre responsabilité et cela relève de notre déontologie.

Quelle est la spécificité d’un audit télétravail ?

Comme tout acte managérial, l’audit télétravail est précédé par des discussions préalables (vote en CSE). Dans ces aspects plus spécifiques, l’audit examine les conditions techniques dans lesquelles le télétravail va s’inscrire, l’évolution des compétences des salariés et leur autonomie (mise à disposition des éléments nécessaires pour ne pas qu’autonomie rime avec isolement).

Que traduisent les différences de niveau du label ?

Ils reflètent la maturité de l’entreprise sur le télétravail. Un premier niveau correspond aux prémices de sa mise en place, un niveau supérieur le distingue quand il s’inscrit pleinement comme un acte managérial et une décision collective pour améliorer les conditions de travail, notamment quand il vise à impliquer davantage et à travailler autrement ensemble en favorisant des conditions de travail transverses et collaboratives. Les rituels de management, qui ne sont pas les mêmes à distance qu’en présentiel, sont des témoins de cette maturité car ils évoluent lentement. La mise en place de nouveaux rituels managériaux pour tisser des liens autrement reflète l’aboutissement de la démarche. De la même manière, en s’inscrivant volontairement dans cette démarche d’amélioration continue, l’entreprise va développer plus de sens et dépasser la simple recherche de solution technique. Le niveau expert est atteint lorsque celle-ci interroge le télétravail dans sa capacité à contribuer aux compétences, au confort, à l’autonomie et à la performance des collaborateurs. Sachant que la labellisation et le niveau de label ne sont pas acquis indéfiniment (audit de suivi tous les 18 mois).

C’est en cela que les préconisations de l’auditeur sont importantes ?

Assurément. C’est en vertu de cette démarche d’amélioration continue dans laquelle le télétravail doit s’inscrire.

Quelle garantie fournit le label et combien de temps est-il valable ?

Il apporte la garantie de la tierce partie dont le regard neutre, bienveillant et rigoureux va mesurer les efforts faits par rapport à l’audit précédent. D’un point de vue règlementaire, il atteste des exigences propres au télétravail, de la mise en œuvre des conditions favorables pour les collaborateurs (techniques, psychologiques, collaboratives), ainsi que de son intégration dans chacune des sphères du management et dans la stratégie de l’entreprise. La durée de validité du label est de 36 mois, incluant un audit de suivi à mi-parcours (18 mois).

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